Des fleurs en hiver

All roads lead home

Dehors, la pluie a remplacé la neige et le temps doux a fait fondre la glace qui recouvrait l’herbe. Je regarde le paysage sombre et mouillé par la fenêtre. Je retourne à mon téléphone, mes yeux se posent sur une publication Instagram remplie de fleurs. Un superbe carrousel des plus belles fleurs qu’on puisse cultiver au Québec. Des images qui détonnent drôlement avec le décor que me renvoie ma fenêtre aujourd’hui.

Je fais défiler les magnifiques photographies débordantes de giroflées, renoncules, dahlias, pivoines, tulipes, tournesols, zinnias, lisianthus et autres merveilles cultivées localement. Une rétrospective de fleurs de 2024, abondante de beauté.

Les larmes montent à mes yeux.

Un serrement au coeur.

Des sensations qui ne mentent jamais; quand mon coeur se serre dans ma poitrine et que les larmes montent sans raison apparente, je sais ce que ça signifie. C’est la méthode que mon âme utilise pour me dire : «ici».

Ici se trouve ta vérité.

Ta mission. Ce pourquoi tu es ici. Rappelle-toi.

Les fleurs. Je les avais presque oubliées tellement elles ont déserté ma vie sans me prévenir cette année.

Les fleurs et moi, on a un contrat d’âme ensemble. C’est en 2021, l’année où je suis déménagée en Estrie, que ma fascination pour elles a commencé et que j’ai compris qu’on avait quelque chose à faire ensemble, elles et moi. Depuis, peu importe la direction que ma vie semble prendre, je sais qu’on est liées pour toujours. Même si j’ai dû quitter la campagne cette année, même si mes semences dorment encore dans une boîte à l’entrepôt, même si mon quotidien urbain et sportif semble détonner avec leur douceur, elles réapparaissent ce matin comme le plus doux des rappels.

Elles ne m’ont pas oubliée. Le bien que ça me fait de les savoir de retour dans mon champ de conscience.

Je prends le temps de fouiller dans mon téléphone, à la recherche de photos des fleurs que j’ai cultivées pendant trois étés, avec ma soeur Sophie, de 2021 à 2023. Des centaines d’images d’elles.

La majorité des gens regardent les fleurs un peu distraitement, comme on regarde une oeuvre en apparence jolie mais qu’on ne saisit pas vraiment. Pire, d’autres ne les remarquent même pas, trop occupés à courir. Pour moi, c’est complètement autre chose qui se passe. Je suis magnétisée par leur présence. Je plonge en elles avec dévotion. Avec une admiration immense pour les couleurs, les odeurs, la perfection des formes, la beauté inégalable. Avec l’étrange impression, aussi, qu’elles me parlent et me demandent de décoder leur énigme.

Une fascination profonde autant que mystérieuse.

Mon histoire de vie est intimement liée aux fleurs. Mon histoire, comme celle de millions de femmes, qu’elles en soient conscientes ou non. Je n’arrive pas à bien l’expliquer encore, mais je sais que j’y parviendrai un jour. Il existe une corrélation absolument parfaite entre les femmes et les fleurs.

Quand le féminin sera libéré de l’emprise du patriarcat, les fleurs vivront leur plus grande renaissance.

Quand on aura arrêté de définir les femmes par leur apparence physique, on comprendra que les fleurs sont beaucoup plus que simplement belles.

Quand on aura compris que la soi-disant passivité de l’énergie féminine est beaucoup plus productive qu’on ne le pense, le monde sera transformé.

Mon travail avec les fleurs, bien que je ne sache pas exactement ce que c’est, a quelque chose à voir avec tout ça. Ce matin, ce rappel arrive comme un baume sur mon coeur. Cette mission, ce travail, c’est en moi qu’il se trouve. Je l’ai oublié, mais je suis ici pour m’en rappeler. C’est le chemin que je marche. Je sais qu’en moi se trouvent les réponses que je ne trouverai jamais dans aucun livre.

Je ne sais pas pourquoi elles sont venues à moi ce matin. Rien dans ma vie ne laisse présager que je les retrouve bientôt. L’année tire à sa fin. Je me dis que c’est de bon augure. Je fais le souhait que 2025 marque le retour des fleurs dans ma vie.

Dahlia cultivée chez nous à Sutton, Octobre 2023. Photo: Sophie Bourdon