J’écris avec bonheur chaque matin depuis deux semaines, café à la main, laptop sur les genoux, le soleil entrant à gros rayons par ma fenêtre. Tous les jours de la semaine, à l’exception du mardi, j’écris avec le système nerveux complètement détendu. J’écris sans penser, pour moi, pour le simple bonheur de former des phrases et des idées qui ne vivaient pas une heure plus tôt. C’est confus, c’est bilingue, ça ne fait pas nécessairement de sens, mais j’observe la magie prendre forme sur les pages, et le processus me fascine et me nourrit.
Quand vient le mardi, mon processus d’écriture change. Ma tête sait que je devrai publier ici le lendemain. Mon corps est un peu moins détendu, mes mains un peu moins fluides sur le clavier. Les questions qui n’étaient pas là la veille apparaissent: “Sur quel sujet vais-je écrire? Qu’est-ce que j’ai d’intéressant à dire cette semaine? Et si les idées n’arrivaient pas? Une poignée de gens te lisent de toute façon, aussi bien arrêter tout de suite.”
La résistance se pointe inévitablement pour mettre des petits bâtons dans les roues de mon processus créatif.
Sous la recommandation d’une amie la semaine dernière, j’ai lu (écouté) ce weekend les livres The War of Art et Turning Pro, de Steven Pressfield. L’auteur y parle entre autres de cette notion de résistance, force destructrice inévitable à laquelle sont confrontés tous les créatifs, visionnaires, artistes et entrepreneurs de ce monde. La résistance est l’ennemi qui travaille d’arrache-pied pour tenter de nous convaincre que nos idées, nos projets, nos ambitions ne valent pas grand chose et qu’il vaudrait mieux les abandonner tout de suite.
La résistance règne en maître sur cette planète et c’est elle qui veut nous empêcher d’atteindre notre plein potentiel.
Avez-vous un projet, une idée, une pulsion créative qui revient vous visiter, semaine après semaine, année après année, mais que vous ne réalisez jamais, parce que la résistance est plus forte?
L’auteur aborde ce concept en s’adressant spécifiquement aux créatifs, visionnaires, entrepreneurs et artistes, mais en y réfléchissant, je réalise que la notion de résistance régit partout, dans toutes les sphères de nos vies, qu’on se considère créatif ou non. Arrêter de fumer, quitter une relation, changer de travail, se mettre en forme, cuisiner, lire, sortir de chez soi, aller au musée. Toutes des actions qui rencontrent généralement de la résistance.
En d’autres mots, ce n’est pas vous qui êtes trop lâche pour aller au gym. Ce n’est pas vous qui êtes trop paresseux pour vous mettre à la peinture. C’est simplement une force universelle qui tente de vous empêcher d’atteindre votre plein potentiel et de vivre votre vie la plus heureuse.
Quand on réalise que la résistance est une force qui n’est pas nous, qui n’a rien à voir avec notre nature profonde, on peut commencer à la regarder à distance et lui dire qu’on n’a pas besoin d’elle. Je trouve qu’aborder nos batailles intérieures de cet oeil nous permet d’avoir drôlement plus de compassion envers nous-mêmes. Je ne suis pas paresseuse, je ne suis pas lâche, je ne suis pas faible, c’est une force malveillante et puissante qui tente de me convaincre que je le suis.
L’auteur émet l’idée selon laquelle plus la résistance est forte, plus ce qui se trouve de l’autre côté est d’importance pour notre évolution.
The more important a call or action to our soul’s evolution, the more Resistance we will feel toward pursuing it.
Steven Pressfield, “The War of Art”
Dans quelle.s sphère.s de votre vie rencontrez-vous le plus de résistance? C’est exactement là où l’expansion la plus grande vous attend.
J’ai passé trente minutes à nager dans la résistance, mardi matin, à chercher quoi écrire, à effacer, à recommencer, à douter, en sachant que le moment de publication de ce texte approchait. Ma résistance principale se trouve donc non pas dans l’action de m’asseoir et écrire, mais plutôt dans celle de publier mes écrits.
Intéressant.
Si je me fie à la théorie de l’auteur, il serait donc vrai de dire que mon travail le plus important, et le siège de mon expansion la plus grande se trouvent dans ma capacité à conquérir ma résistance à faire entendre mes idées.
J’irais encore plus loin en émettant cette idée: et si je parviens à conquérir mes résistances, jour après jour, est-ce que je n’ouvrirais pas le chemin à d’autres, pour qu’ils arrivent à vaincre leurs résistances un peu plus facilement, à leur tour?
Et si chaque humain qui ose affronter ses résistances ouvrait la voie à d’autres, qui eux aussi, ouvraient la voie à encore plus de gens, et ainsi de suite? Peut-être deviendrait-il de moins en moins difficile de vaincre nos résistances et d’atteindre notre plein potentiel, autant individuel que collectif?
J’imagine un effet domino monstre, chaque humain courageux ayant un impact invisible sur un autre, et puis un autre, et encore un autre. Et un jour, à coup de centaines de milliers de personnes qui l’auront vaincue, la résistance perdra en force, s’épuisera, s’amenuisera jusqu’à être irradiée complètement de la planète.
Nos mini-victoires personnelles ont peut-être en réalité beaucoup plus d’impact qu’on ne l’imagine.
J’offre mon immense respect à tous les courageux d’hier qui m’ont ouvert la voie, à tous les courageux d’aujourd’hui qui, comme moi, affrontent leurs résistances jour après jour, et à tous ceux qui le feront demain, quand leur moment sera venu.
J’ai adoré les deux livres, qui ont trouvé écho naturellement en moi, en cette période de ma vie où j’apprends à quitter une ancienne version de moi pour en devenir une nouvelle. Merci Marie-Ève pour la recommandation. On n’a pas toujours idée à quel point un petit partage peut avoir un impact majeur sur quelqu’un à un moment tournant de sa vie.