Je ne sais pas si c’est la mi-février, les tempêtes de neige qui se succèdent ou les comptes Instagram de jardinage qui se réaniment à l’approche du temps des semis, mais le craving de nature verdoyante est revenu en force depuis quelques jours. J’arrive au temps de l’année où je suis à nouveau envahie par l’envie de mettre les mains à la terre et de vivre au rythme d’un jardin.
À pareille date il y a un an, j’étais ensevelie de boîtes, de sacs à déposer chez Renaissance et de ménage à terminer pour réussir à quitter à temps la maison qui venait d’être vendue. Je m’apprêtais à quitter ma première campagne, mon premier jardin, ma première courte immersion dans une vie en nature. À pareille date il y a un an, on entreposait, ma soeur et moi, nos dizaines et dizaines de précieux tubercules de dahlias dans des bacs qu’on pensait réouvrir quelques semaines plus tard.
Un an s’est écoulé depuis. Un an de retour à Montréal malgré moi, un an d’errance et de quête de trouver ma maison.
Je n’ai pas osé retourner voir l’état des dahlias qui ont dû, malgré eux et à mon plus grand désarroi, sauter une saison de plantation. Je ne sais pas combien de temps ça peut survivre, des tubercules de fleurs, dans un entrepôt. La nature veut vivre, mais il y a des limites à être en dormance forcée, que je me dis. Vient un temps où il faut retourner au soleil.
Bref, on est encore en plein coeur de l’hiver, et malgré l’épaisseur de neige qui recouvre le sol dehors, je ne pense qu’aux plantes. Je rêve aux semences, aux semis, aux fleurs, aux légumes, aux abeilles, aux oiseaux, à mon prochain jardin.
L’appel de la nature est comme une horloge interne qui fait un tic tac impossible à ignorer. Si j’avais eu l’appel de la maternité, j’imagine que c’est la même chose que j’aurais ressenti. Une force arrivée de l’intérieur, insistante, inévitable, une destinée qui demande à être répondue.
J’ai ressenti ce feeling pour la première fois en 2020, environ un an avant de quitter Montréal pour l’Estrie. Après presque dix années à vivre dans le même appart de la Petite Italie, à me satisfaire d’une vie urbaine, à croire que je serais une fille de ville toute ma vie, l’appel de la nature était arrivé sans prévenir et devenu viscéral.
La terre appelait mon nom.
J’aime imaginer qu’elle me rappelait à elle, littéralement, comme une grand-mère venue me dire: “viens, c’est l’heure du grand retour, on a des choses à se raconter, toi et moi”.
Vivre en nature.
Apprendre à jardiner.
Connaître le nom des fleurs.
C’était ma seule obsession.
J’ai à peine eu le temps de mettre l’orteil dedans, cette vie en nature. Je n’ai eu le temps d’expérimenter que pendant trois courtes saisons de jardinage, avant de devoir laisser aller cet endroit. Une bébé-incursion, un prélude, une mise en place, une entrée en matière dans une vie rythmée par la terre.
Ma relation avec le jardin comporte une brèche, et je n’ai qu’une envie: réparer la coupure.
Quand on a quitté Sutton à la fin du mois de février 2024, je pensais retourner m’installer dans les Cantons de l’Est immédiatement. (Je n’aurais pas pris le risque de faire pourrir mes dahlias si longtemps, si j’avais su). Un an plus tard, la vie m’a ramenée à Montréal, dans le bruit, dans le monde, et dans mon corps, avec le sport, aussi.
Je pense aux oiseaux qui venaient nous chanter leur mélodie chaque matin, à l’odeur de la terre, aux tempêtes de vent qui faisaient danser les arbres, aux animaux avec qui on partageait le territoire, au soleil sur les montagnes, aux fleurs que j’ai appris à nommer, à Stella qui courait librement.
Je me souviens surtout du feeling dans le corps. En nature, c’est un peu comme si j’avais moins besoin de tout le reste. Un vide qu’on ne pensait même pas avoir, comblé le plus naturellement du monde par la présence du vivant tout autour.
Ce que je n’ai pas raconté à beaucoup de monde, c’est qu’au moment de devoir laisser aller la maison de Sutton, ma soeur et moi, on a reçu une vision.
Une vision très claire de notre futur lieu de vie.
On l’a reçue en même temps, elle et moi, en fidèles jumelles que nous sommes. Après avoir fighté pendant des mois pour trouver une façon de garder la maison dans laquelle on habitait. Quand on s’est rendues à l’évidence qu’on devait laisser aller cet endroit, que la vie essayait de nous rediriger ailleurs, qu’il n’y avait plus rien à faire, une vision toute neuve est apparue.
Une autre maison.
Quand je décrivais les images au fur et à mesure qu’elles rentraient, ma soeur finissait mes phrases, parce qu’elle voyait exactement les mêmes détails dans sa tête. La façon dont les pièces sont divisées, les immenses fenêtres, l’orientation de l’îlot de cuisine, les douces lignes architecturales, le gym à l’étage, le grand espace de vie lumineux, le soleil et les montagnes devant, la piscine, le jardin, les chiens qui courent.
Si vous m’aviez demandé d’imaginer ma maison de rêve, je n’aurais pas osé en mettre autant.
Ce qui est fascinant, c’est que cette image, je ne l’ai même pas cherchée. Je n’ai pas eu à faire d’exercice de visualisation, ni à établir une liste de critères de ma maison de rêve. Je l’ai simplement reçue, le plus naturellement du monde. Comme on reçoit un cadeau qu’on n’attendait pas. Une vision arrivée de nulle part, comme pour me dire: voici ce sur quoi tu dois te concentrer. C’est ce qui t’attend, si tu y crois assez fort.
Il s’avère qu’elle correspond exactement à mes goûts (les plus luxueux) et à mes plus grands désirs, cette maison. Et au-delà d’une maison, c’est aussi et surtout un espace de vie plein d’expansion, qui m’a été montré. Avec tout ce qui vient avec; de la vie, de la beauté, de l’amour, des amis, la famille, une communauté, la douceur, la joie, la nature, les plantes, les fleurs.
Et surtout, le feeling d’être enfin chez moi.
Ce que j’ai cherché toute ma vie.
Je l’avais un peu délaissée, cette vision, dernièrement, parce que… la vie… la réalité. Parce que, le compte bancaire qui est loin de matcher le rêve. Mais à tous les jours, depuis une semaine, dès que je ferme les yeux, cet endroit revient dans ma tête.
Je consulte les listings de maisons régulièrement depuis plus d’un an et je ne l’ai jamais vue passer. Je ne sais pas dans quelle ville elle se trouve exactement. Peut-être encore à Sutton, peut-être dans un village voisin. Je sais que c’est quelque part dans cette région que j’adore, et je sais qu’il y a les montagnes et le soleil devant. Je sais que je la reconnaîtrai sans l’ombre d’un doute quand je la verrai.
Il va sans dire que je n’ai pas du tout les moyens financiers de me la payer, cette maison, en ce moment. Mais elle revient ces jours-ci comme pour me dire: N’oublie pas. Ton chez-toi t’appelle. C’est là-bas. Fais confiance.
Je pensais continuer à la cultiver secrètement en moi, cette vision. Je ne sais pas pourquoi je la partage ici aujourd’hui. Peut-être que ça m’aidera à la matérialiser.
Je regarde la lourde couche de neige qui recouvre le sol dehors, je pense à la terre qui s’éveille déjà doucement tout en dessous.
Ce qui est pour nous ne peut pas nous échapper.
Je fais confiance.
J’enfile mon Kanuk et mes bottes d’hiver. J’irai jouer patiemment dans la neige, en attendant mon jardin.
Magnifique tes mots ce matin. ✨ Je te la souhaite du plus profond de mon cœur cette douce maison. 🏠💝